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Emprunter la Voie d’Eau

En 2013, nous avons publié cette petite histoire futuriste sur notre magazine . Une fiction, certes, le rêve d’un Capitaine au Long Cours qu’il caresse toujours. Un rêve partagé par d’autres amoureux de la mer qui croient en l’économie maritime. En 2013, ceux qui devaient nous entendre ne l’ont pas fait. Aujourd’hui après plus de dix ans, ce rêve revient toujours….

 

Aujourd’hui nous célébrons la journée nationale de la mer, une fête nationale pour fêter le monde maritime. Nous somme dans un palace à El jadida. Les invités arrivent les uns après les autres.

Je rencontre Captain Amine, mon ami de promotion et nous engageons une discussion sur la famille, la politique, l’économie, les autres amis… Captain Amine est maintenant pilote Major à la station de pilotage du port de Fes- Sebou. Il me raconte la vie qu’il mène depuis qu’il a rejoint la station, juste après le démarrage du port.

A Tadla, l’autre port fluvial d’Oum Rbiaa, C’est Hanafi qui est à la tête de la station, après un court passage dans le dragage, il se ne se retrouvait pas dans sa fonction et  a décidé de passer le concours de pilotage, tant il avait encore l’âge.

Captain Amine me présente certains collègues que je ne connais pas.

Samir Rahmaoui est commandant du Celesta 2, le ferry transformé en navire d’excursion de la société Celesta qui offre une ligne interne qui relie Al Hoceima, Tanger, Casablanca, Agadir et Dakhla. C’est un service à caractère touristique avec, de petites escales à chaque ville, permettant aux passagers de jouir des richesses des villes côtières. La ligne est très sollicitée par les amoureux de la mer qui considèrent le voyage comme « la petite croisière du Maroc » accessible à la classe moyenne. Les navires Celestes sont aussi le moyen de transport de quelques marocains qui préfèrent la voie maritime plaisante pour se déplacer entre les villes du Nord et Dakhla. Ils appellent cela le voyage de l’unité territoriale.

Le chef Sernani Said est à la tête des « Chantiers de Mazagan » la grande société de réparation marine à Azemmour qui dispose de trois cales sèches et d’un dock flottant. Grâce à ces moyens, elle peut accueillir jusqu’à six navires à la fois dont deux au quai d’armement. Said m’explique que depuis la création du village naval d’Azzemour, toutes les petites sociétés de réparation y sont venues s’installer. De nouvelles ont été crées par des anciens officiers mécaniciens, bénéficiant de mesures incitatives et de lignes de crédit financées par le gouvernement marocain et la région de Doukala. Au village naval, les navires sont bien servis : moteurs, auxiliaires, travaux de coque, hydraulique, électricité… Sernani me confie qu’à partir du mois prochain, il sera chargé d’une nouvelle mission. Il est le chef du projet de « Doukala Constructors », le futur chantier de construction navale marocain !

Je salue aussi Haddaoui Najib, un autre ami maintenant chef de division « long cours » à la marine marchande. Je lui demande où est notre flotte. Najib aime cette question et il répond à chaque fois avec fierté : « Nous avons en long cours, cent soixante-dix-huit unités entre Minéraliers, Chimiquiers, polythermes mixtes, porte-conteneurs. Depuis que je suis à la tête de la division, nous avons progressé de 25% » ajoute-t-il. Je lui dis pour le taquiner : « mais ce n’est pas grâce à toi ! C’est grâce au privé. » Il réplique avec un ton sérieux d’administrateur : «  oui mais c’est l’Administration qui crée le climat propice et facilite les procédures! ».

Le chef Omar ben Ayouch se joint à nous. Il nous remet sa carte visite sur laquelle on lit la raison sociale : « Morocco Tasnif ». C’est la société de classification marocaine. Omar jouit d’une grande expérience dans ce domaine. Il avait quitté les navires, relativement jeune, et a fait le tour de trois sociétés de classification, deux européenne et une asiatique. C’est l’homme le plus convenable pour démarrer le MT, comme il préfère qu’on nomme sa société.

Les organisateurs nous demandent de rejoindre la salle. Nous prenons place en lisant le programme de la journée qui était mis à notre disposition sur chaque chaise. Tout commence par l’élocution d’ouverture de Monsieur le ministre de l’économie maritime, puis deux autres interventions : celle du directeur des pôles portuaires (appelé aussi le directeur terrien dans le jargon interne du ministère) et celle du directeur du pavillon (le marin).

Notre politique entamé il y a vingt ans est en train de donner ses fruits. Nous sommes la plateforme du West Med et de l’Afrique de l’Ouest. Mais permettez-moi de vous dire : ceci n’est qu’un début. Nous voulons progresser davantage et à chaque fois qu’un observateur nous félicitera pour notre performance, nous allons lui déclarer avec confiance : vous n’avez encore rien vu !!!

L’intervention du ministre était courte chargé d’émotions. Il est interrompu à plusieurs reprises par les applaudissements. Il se félicite qu’au Maroc, nous avons pu conjuguer histoire et géographie pour développer notre économie et il ajoute : « je vous transmets les félicitations de sa majesté le Roi et celles du chef du gouvernement…Nous sommes désormais une vraie nation maritime et nous en sommes tous fiers. Nos navires sillonnent les océans arborant avec orgueil le pavillon national. Ils sont bien accueillis dans tous les ports du moment que nous sommes sur la liste blanche depuis plusieurs années! Nos pôles portuaires ont la capacité de traiter tous les types de marchandises avec des performances de haut niveau. Nos indicateurs n’ont cessé de s’améliorer. Notre politique entamé il y a vingt ans est en train de donner ses fruits. Nous sommes la plateforme du West Med et de l’Afrique de l’Ouest. Mais permettez-moi de vous dire : ceci n’est qu’un début. Nous voulons progresser davantage et à chaque fois qu’un observateur nous félicitera pour notre performance, nous allons lui déclarer avec confiance : vous n’avez encore rien vu !!!

C’est le directeur des pôles portuaires qui prend la parole après le ministre: « Nos pôles portuaires de Casa et de Tanger sont parmi les Top 20 depuis trois ans en terme de volume et de connectivité. Notre indice logistique nous classe parmi les dix premiers. Notre stratégie est de maintenir ces acquis en cherchant de nouvelles pistes d’amélioration. Cet après-midi, vous allez avoir le plaisir de découvrir des projets de recherche des Officiers élèves de l’ISEM qui visent à augmenter la performance logistique et portuaire ».

« tu te rappelles, il y a des années, nous avions eu la voie d’eau. Les compagnies maritimes étaient au naufrage. Nous avons milité pour que le Maroc empreinte la voie d’eau, nous ouvrir à la mer et en faire un pôle économique. Profiter de notre position stratégique et de nos ressources naturelles et humaines. Utiliser nos fleuves et nous connecter avec notre hinterland historique : la grande Afrique et notre bassin géographique la grande Méditerranée ».

L’Allocution du directeur du pavillon national est aussi enthousiaste : « Grâce aux efforts conjoints de l’Administration, des armateurs, des ship managers et des sociétés de classifications nous avons réduit les anomalies relatives à la sureté, l’environnement et la sécurité. Les autres pays émergeants nous citent en référence. Nous avons acquis un niveau honorable dans ce domaine. Maintenant c’est le temps de la diversification et du développement. Certaines de nos lignes sont devenues des leaders sur le plan régional et on peut déjà caresser le rêve d’avoir demain des opérateurs globaux ».

Le buffet est offert par l’association des ships chandlers de jorf Lasfar. Des cuisiniers connus à bord des navires ont contribué à la préparation et ont donné un style  marin aux différents plats. J’ai pu reconnaitre la touche artiste de notre Chef Idzer dans la pâtisserie du dessert : des gâteaux et des tartes avec les formes de navires de tous types. Il y a même un « gâteau portique ».

Je prends mon repas aux côtés de Ahmed Jawad, appelé le « cognitif » par notre génération, capitaine au long cours et docteur en management. Conférencier et consultant, il a accompagné plusieurs compagnies nationales dans leur développement stratégique. Il est heureux de voir « la vision » d’autrefois devenue réalité aujourd’hui. Il me dit avec son éloquence habituelle : « tu te rappelles, il y a des années, nous avions eu la voie d’eau. Les compagnies maritimes étaient au naufrage. Nous avons milité pour que le Maroc empreinte la voie d’eau, nous ouvrir à la mer et en faire un pôle économique. Profiter de notre position stratégique et de nos ressources naturelles et humaines. Utiliser nos fleuves et nous connecter avec notre hinterland historique : la grande Afrique et notre bassin géographique la grande Méditerranée ».

Captain Jawad n’a pas été seul dans son combat. Nos collègues, juristes, directeurs techniques, enseignants, managers, conseillers, assureurs ont constitué l’armada qui a su prendre la voie d’eau.