Le Bangladesh vient d’accorder à Maersk, via sa filiale APM Terminals, l’un des contrats portuaires les plus stratégiques de la région : la concession de Laldia, futur terminal à conteneurs du port de Chattogram. Un accord de 30 ans qui place l’opérateur danois au cœur de la transformation logistique du pays et confirme son retour offensif sur les grands corridors asiatiques. Pour Dhaka, c’est un choix assumé : confier Laldia à un acteur capable d’introduire des standards mondiaux, d’accélérer la fluidité portuaire et de soutenir la montée en puissance de son industrie exportatrice.
Le terminal, dont la capacité initiale avoisinera les 800 000 EVP, doit désengorger Chattogram, aujourd’hui saturé, et accueillir des navires bien plus grands que ceux pouvant y accéder actuellement. L’enjeu est majeur : sécuriser la compétitivité du Bangladesh dans un contexte où l’essor du textile et la croissance de ses échanges nécessitent une logistique plus rapide, plus fiable et mieux connectée aux grandes routes maritimes Est–Ouest. Maersk, fort de son expertise, promet un site hautement performant, fondé sur l’automatisation, la modernisation des quais et une exploitation en continu.
Mais si la victoire de Maersk fait autant de bruit, c’est parce qu’elle intervient en plein cœur d’une bataille d’influence sans précédent en Asie. Depuis plusieurs années, les grands opérateurs mondiaux – TIL pour MSC et CMA Terminals pour CMA CGM – se livrent une lutte acharnée pour contrôler les hubs portuaires stratégiques. L’Inde, Colombo, Karachi, Singapour ou encore les ports du Bangladesh sont devenus des zones de tension logistique où chaque concession remportée déplace l’équilibre de la puissance maritime mondiale. En gagnant Laldia, Maersk envoie un signal clair : le groupe n’a aucune intention de céder le terrain asiatique à MSC ou CMA CGM, qui avaient redoublé d’efforts pour étendre leur présence régionale.
Pour le Bangladesh, cette rivalité entre géants est une opportunité historique. En confiant Laldia à Maersk, Dhaka sécurise un moteur de croissance essentiel et s’assure l’implantation d’un opérateur capable de transformer son système portuaire en plateforme régionale de référence. Laldia ne sera pas seulement un terminal supplémentaire : il deviendra un pion stratégique dans la recomposition de la puissance maritime en Asie, un espace où la logistique n’est plus un simple outil économique mais un levier de souveraineté et d’influence.