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DHL pénètre sur le marché du commerce électronique en Afrique et vise à rivaliser avec Jumia

La société de messagerie allemande lance une plateforme de vente en ligne en partenariat avec la start-up nigériane MallforAfrica, en complément de ses services logistiques.

La conquête du continent a été rapide. Peu de temps après l’annonce, le 11 avril, du lancement de son service de commerce électronique, baptisé Africa eShop, dans onze pays du continent, dont le Nigeria et le Sénégal, le groupe DHL, filiale de Deutsche Post DHL, a publié un deuxième communiqué fin mai, annonçant l’extension du service à neuf nouveaux pays, dont le Cameroun et la Côte d’Ivoire.

DHL s’est associé à MallforAfrica, une start-up nigériane fondée en 2011, en louant sa plateforme et en la rebaptisant, afin de permettre à ses clients, sous cette nouvelle marque, d’accéder à plus de 200 commerces spécialisés dans des domaines tels que l’électronique, la mode et le matériel de sport, en provenance du Royaume-Uni et des États-Unis.

Avec une présence dans vingt pays d’Afrique subsaharienne, Africa eShop, tout juste lancé, dépasse désormais Jumia, le leader du secteur, en termes de couverture géographique. Hennie Heymans, directeur général de DHL Express pour l’Afrique subsaharienne, a refusé tout commentaire ou comparaison avec cette célèbre plateforme.

Chris Folayan, directeur général de MallforAfrica, qui vend déjà plusieurs millions de marchandises par mois dans 17 pays sous sa propre marque (dont la plupart sont également couverts par Africa eShop), ne cache pas son ambition de rivaliser avec Jumia. Il s’enthousiasme en déclarant : « Notre objectif est clairement de rivaliser avec Jumia ! En seulement soixante jours, nous avons déjà conquis plus de pays, nous sommes moins chers dans 80 % des cas et nous offrons plus de choix ! ».

Il concède simplement à Jumia la rapidité de ses délais de livraison : « Avec leurs vendeurs locaux, ils peuvent, dans certains cas, promettre une livraison le jour même ou le lendemain, tandis que nos clients doivent attendre cinq à sept jours, voire dix au maximum, pour être livrés. Cependant, le fait que nous nous approvisionnions directement auprès de marques telles que Ralph Lauren, Boohoo ou Zara évite tout risque de contrefaçon, ce qui est fréquent chez nos concurrents », poursuit le fondateur de 42 ans, bénéficiant depuis juillet 2013 du soutien d’Helios Investment Partners, qui lui a fourni le capital nécessaire à la croissance de son activité de vente au détail en ligne, selon le site du capital-investisseur.

Cependant, aucune information n’est fournie sur le montant de ce soutien financier et sur la part détenue par Helios, qui est le seul coactionnaire de Chris Folayan dans son entreprise, selon ce dernier. DHL, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 1,14 milliard d’euros dans la région Afrique-Moyen-Orient en 2018, prévoit-il de participer également au financement de son prestataire de services ? Hennie Heymans ne confirme pas cette possibilité, déclarant : “Pour l’instant, notre rôle en tant que client nous convient parfaitement.”

Bien qu’il se dise “très satisfait” des premières semaines d’activité, dont les résultats ont été “meilleurs qu’espéré”, le directeur pour l’Afrique reste prudent : « Nous nous lançons à peine. Nous devons d’abord attendre le retour des consommateurs avant d’envisager d’autres développements », explique-t-il, assurant qu’aucun nouveau marché ne figure au programme de 2019.

Un savoir-faire logistique très utile

Selon Clélie Nallet, chercheuse au Programme Afrique subsaharienne de l’Ifri et auteure d’une étude à paraître sur le e-commerce au Kenya, la logistique est au cœur des enjeux du e-commerce, même si les situations varient d’un pays africain à l’autre. Ainsi, Africa eShop de DHL part clairement avec un avantage. DHL est présent sur le continent depuis 1978, emploie 3 500 personnes, possède une flotte de plus d’un millier de véhicules, des hubs dans plusieurs pays, des installations dans plus de vingt aéroports et une flotte dédiée de quinze avions.

Avant d’annoncer son partenariat avec MallforAfrica, DHL travaillait déjà avec cette start-up nigériane, assurant plus de 50% des livraisons. Hennie Heymans, directeur général de DHL Express pour l’Afrique subsaharienne, souligne que bien que ce soit la première incursion de DHL dans le commerce de détail en Afrique, cette nouvelle activité n’est pas nouvelle pour eux car ils ont quarante ans d’expérience dans la logistique en Afrique et ont déjà réalisé les investissements nécessaires dans ce domaine. Il espère que Africa eShop renforcera leur position en tant que logisticien spécialisé dans le e-commerce tout en stimulant leur activité de messagerie.

Un accès à 8,5 milliards d’articles, contre 10 millions chez la concurrence

Julien Garcier, directeur général de Sagaci Research, un cabinet de conseil spécialisé dans les études de marché pour la distribution, exprime des doutes quant à la réussite de la plateforme Africa eShop. Bien qu’elle propose un choix immense (8,5 milliards d’articles contre 5 à 10 millions pour Jumia, selon Chris Folayan), les prix, y compris la livraison et les droits de douane, sont prohibitifs pour une grande partie de la population, selon lui.

Cela signifie-t-il que la plateforme pourrait rejoindre le cimetière des sociétés de e-commerce en Afrique, telles que Cdiscount et Africashop ? Julien Garcier nuance en expliquant que les porteurs du projet n’ont pris que très peu de risques, ce qui signifie que cela peut fonctionner pendant un certain temps en tant que marché de niche.

Cependant, selon l’analyste, pour que le nouvel acteur réussisse, il doit se faire connaître et envisager un budget de communication comparable aux montants considérables (des dizaines de millions d’euros) investis par Jumia. Chris Folayan affirme que le marketing est un aspect important de leur activité, et ils déploient principalement leur communication via les réseaux sociaux et les publicités Google, en fournissant autant d’informations que possible sur le vaste choix d’articles et les prix. Ils veulent faire passer le message que “maintenant, vous pouvez avoir accès à plus de produits que vous n’auriez jamais pu l’imaginer”.

Un partenaire bien implanté

Chris Folayan, fondateur de la plateforme MallforAfrica, prévoit de lancer sa propre marque au Maghreb d’ici la fin de l’année. La start-up, déjà active dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, aux Émirats arabes unis, à Bahreïn et en Arabie saoudite, espère lever entre 5 et 7 millions d’euros d’ici octobre pour atteindre cet objectif.

3 millions d’emplois créés grâce au e-commerce d’ici à 2025

Selon un rapport du Boston Consulting Group publié en mars, les places de marché numériques pourraient créer trois millions d’emplois en Afrique d’ici 2025. Ces projections sont basées sur une croissance annuelle de 25 à 30 % du revenu de ces entreprises. Parmi les emplois créés, seulement 2 % seront des emplois directs (développeurs, spécialistes du marketing, etc.), 36 % seront des emplois indirects (commerçants, logisticiens, chauffeurs, etc.) et 62 % seront des emplois induits par la croissance de ce nouveau secteur (mécaniciens, artisans, personnel d’entretien, etc.).