Les pièges à éviter
Le marché du ferry dans le détroit se trouve actuellement dans une période de recomposition. Cette mutation ouvre une porte pour de nouveaux opérateurs capables de comprendre les tendances de la nouvelle époque. Cependant, nous avons besoin que notre gouvernement sache préserver les intérêts nationaux à travers
ceux des futurs opérateurs marocains.
L’Etat marocain, à travers l’appel à manifestation d’intérêt N°2, a exprimé clairement sa volonté de faire émerger des opérateurs nationaux professionnellement capables de rivaliser avec leurs concurrents européens et d’offrir des services de haute qualité. Les conditions exigées aux candidats confirment aussi que l’Etat veut que ces futurs opérateurs soient suffisamment solides pour qu’ils puissent durer et assurer une certaine stabilité et pérennité.
Nous assistons à une phase où le marché connait une forte mutation : les acteurs historiques sont en train de disparaitre pour laisser la place à de nouveaux entrants. Cette recomposition du marché est tout à fait naturelle et se conduit d’une façon plus ou moins similaire à ce qui s’est passé dans des marchés comparables. En Europe scandinave, en Manche, en Corse ou en Sardaigne, il y a eu des évolutions similaires : des compagnies étatiques qui exercent, puis difficulté de gestion de ces dernières et émergence des acteurs privés qui profitent de cette situation. Dans une phase ultérieure, difficulté de certains acteurs privés à suivre l’évolution et recomposition du marché avec l’entrée de nouveaux acteurs privés avec de nouvelles ‘‘mentalités’’.
L’avantage de notre marché qui fait la différence avec ces marchés comparables est que l’activité de traversée au détroit est en bonne santé. Nous sommes sur un cycle haussier ce qui nous évite des contraintes économiques difficiles. Bien au contraire, nous estimons qu’une répartition des parts de marché égale à celle de 2011 (avant la mutation) est très favorable à l’entrée en lice de nouveaux acteurs marocains.
Il ressort ainsi de cette analyse qu’il existe un fort potentiel de développement du transport maritime des passagers et des ensembles routiers pour les navires ROPAX conventionnels, en départ et à destination de Tanger Med.
Partant des constats qui précèdent, il parait évident que cette filière représente une importance stratégique et significative pour notre pays, et constitue ainsi une opportunité majeure pour tout investisseur. Après la mutation que connait ce marché, la position du Maroc ne peut que s’améliorer, et les conditions étant propices à l’entrée de nouveaux investisseurs du coté marocain.
Les chiffres publiés par les différents établissements portuaires des deux rives confirment la tendance haussière des trafics de passagers et de véhicules dans le détroit. C’est une bonne nouvelle puisque le marché en croissance permet aux opérateurs de se positionner, de réaliser des marges et de croitre.
Cependant, si l’Etat octroie plus de deux autorisations sur la même ligne Tanger Med/Algésiras, ce qui ferait plus de deux services avec plus de quatre navires,
la part de marché moyenne de chaque opérateur passera théoriquement de 25 (dans le cas de deux opérateurs marocains) à 16,66 % du marché global. En d’autres termes, les prévisions du chiffre d’affaires calculées sur la base d’une part de marché de 25 % vont être diminuées de 33 % par rapport aux estimations initiales et donc les business plans solides présentés par les candidats du départ laisseront place à une évolution aléatoire qui affaiblirait les futurs opérateurs marocains.
Nous espérons que les décideurs éviteront de tomber dans ce scénario perdant/ perdant, cela d’une part. D’autre part, nos voisins du nord sont présents sur les deux rives, profitant à la fois de la part de leur pays sur les trafics Tanger Med/Algésiras et Almeria/Nador mais aussi des lignes avec Sebta et Melilia sur lesquelles, ils jouissent d’une exclusivité. Ceci fausse aussi la part qui revient de jure au Maroc dans les trafics bilatéraux puisque nos voisins essaient de dérouter des voyageurs et des véhicules vers ces deux ports aux dépens des nôtres ! Nous souhaitons que les responsables gardent les yeux bien ouverts pour déceler ces tentatives.