En souvenir de ce que fût la Marine Marchande, l’appel lancé par le commandant Bouzoubaa
Casablanca 7 Mai 2020, par Abdelfettah Bouzoubaa, CLC *
Le temps passant vite et l’oubli s’installant encore plus vite, il apparaît nécessaire de préserver la mémoire d’une époque qui a connu, après l’indépendance du Maroc en 1956, la constitution d’une flotte importante de navires de commerce propriété d’armateurs marocains publics et privés.
La flotte de commerce marocaine comptait, à son époque la plus florissante pendant les années 1980, environ 70 navires de tous types : porte-conteneurs, navires frigorifiques, General cargos, chimiquiers, pétroliers, vraquiers et car-ferries.
Les flottes de navires chimiquiers et frigorifiques comptaient parmi les plus importantes dans le monde. La flotte de car-ferries quant à elle réalisait la moitié du trafic national de passagers.
Pendant cette période, les armateurs marocains, près d’une vingtaine au total, transportaient le quart des échanges commerciaux du pays. Le savoir-faire et les compétences acquises en matière d’exploitation et de gestion des navires leur permettaient, en l’absence de fret national, d’employer leurs navires sur des trafics tiers. C’est ainsi que le pavillon marocain était visible sur toutes les
mers du globe.
Actuellement, le nombre de navires de commerce arborant pavillon marocain est de 14 unités soit quasiment le même nombre qu’à la fin des années 1960 lorsque les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de favoriser le développement de la flotte de commerce sous pavillon national.
Celle-ci n’est plus actuellement ce qu’elle était dans les années 1980. Trois facteurs ont contribué à sa quasi disparition. Le premier est le cadre législatif national désuet, datant du début du 20eme siècle, dans lequel opèrent les armateurs marocains alors que leurs concurrents étrangers ont commencé dès les années 1970 à mettre leurs navires sous pavillons de libre immatriculation pour s’affranchir des contraintes de cadres législatifs similaires.
Le deuxième facteur induit par la globalisation est la libéralisation totale du transport maritime national en 2007 sans mesures d’accompagnement pour permettre aux armateurs marocains de s’adapter au nouveau cadre de travail né de la libéralisation.
Le troisième facteur a trait à des déficiences de la part des armateurs dans la gestion de la maintenance des navires et des ressources humaines aggravées par des tensions sociales récurrentes.
Pour conserver la mémoire de l’âge d’or de la flotte de commerce marocaine à la fin du 20ème siècle au profit des générations futures, il apparaît urgent de collecter et de conserver les documents qui en témoignent.
Le savoir-faire et les compétences acquises en matière d’exploitation et de gestion des navires leur permettaient, en l’absence de fret national, d’employer leurs navires sur des trafics tiers. C’est ainsi que le pavillon marocain était visible sur toutes les mers du globe.
Parmi les dépositaires de la mémoire de cette époque susceptibles de participer à sa conservation, il y a le personnel de l’administration, des compagnies maritimes, des auxiliaires de transport et bien entendu les marins.
Les officiers diplômés de l’Ecole Nationale des Officiers de la Marine Marchande créée dès 1957 ont commencé à occuper des fonctions de commandement à bord des navires marocains à la fin des années 1960.
Cependant le besoin continu d’officiers pour des emplois à terre a retardé la marocanisation complète des équipages. Celle-ci ne sera réalisée qu’à la fin des années 1990. Certains de ces officiers ne sont malheureusement plus parmi nous, d’autres sont à la retraite, d’autres encore occupent des fonctions à terre pour lesquelles le passage par la case navigant est nécessaire : officiers de port, pilotes, professeurs de l’enseignement maritime, inspecteurs de la navigation, inspecteurs mécaniciens, experts indépendants ou de classification, superintendants,…
Un appel est lancé à toutes les personnes du secteur maritime pour contribuer à la collecte de documents d’archives relatifs à la période considérée. Cette contribution sera réalisée par le partage, sous format PDF, de photos et de fiches techniques de navires, de dépliants publicitaires d’armateurs, d’articles de presse concernant les navires ou les armateurs marocains, de documents
administratifs ; etc.…
Une sélection des documents les plus représentatifs parmi ceux reçus sera effectuée pour l’édition d’un livre en souvenir de ce que fut la flotte de commerce marocaine.
Un comité restreint de bénévoles sera constitué pour collationner les documents reçus, sélectionner les documents les plus représentatifs, arrêter le contenu et le plan de l’ouvrage à publier et suivre l’exécution du projet jusqu’à sa réalisation. Ce comité évaluera également l’opportunité de mettre toute la documentation reçue sur un site web dédié, sorte de musée maritime virtuel.
Bien entendu ce projet n’a pas pour ambition de collecter l’ensemble des archives existantes. C’est une tâche souhaitable mais elle dépasse de loin l’ambition et les moyens du projet au titre duquel le présent appel est lancé.
PS : Les contributions seront reçues jusqu’au 31/08/2020 sous format PDF à l’adresse: oustoul80@gmail.com
(*) A propos du Commandant Abdelfattah Bouzoubaa
Abdelfattah Bouzoubaa est Capitaine au Long Cours, diplômé de l’ENMM, France, et titulaire d’un Certificat en économie politique.
Il a commandé des navires de commerce de différents types armés au long-cours et occupé des fonctions de direction au sein de la Compagnie Marocaine de Navigation (Comanav).
Entre 1984 et 1986 il a dirigé un projet PNUD/OMI d’assistance à l’Institut Supérieur d’Etudes Maritimes (ISEM) pour la refonte des programmes de formation et la formation des formateurs.
Après avoir quitté Comanav en 1991, il a fondé le cabinet de conseil et d’expertise maritimes, « B. And H. Marine Consultants » et le bureau de contrôle « Master Control ».
Abdelfattah Bouzoubaa est consultant de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) pour le compte de laquelle il a effectué plusieurs missions dans divers pays concernant le Code ISM, la Convention STCW, la Convention FAL et l’audit des Etats membres.
Le Cdt Bouzoubaa est membre de l’International Institute of Marine Surveying (IIMS, London) et ancien expert de la Société de Classification DNV (1992-2013).